Lise Bossi L’olivo e l’olivastro de Vincenzo Consolo : pour une odysée du désastre

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14 (2012)

Les années quatre-vingt et le cas italien

Lise Bossi

L’olivo e l’olivastro de Vincenzo

Consolo : pour une odysée du désastre

 

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Lise Bossi, « L’olivo e l’olivastro de Vincenzo Consolo : pour une odysée du désastre », Cahiers d’études

italiennes [En ligne], 14 | 2012, mis en ligne le 15 septembre 2013, consulté le 15 septembre 2013. URL :

Cahiers d’études italiennes, n° 14, 2012, p. 201-212. 201

Sulla scena ci sembra sia rimasto solo il coro

che in tono alto, poetico, in una lingua non più

comunicabile, commenta e lamenta la tragedia

senza soluzione, il dolore senza catarsi 1.

Publié en 1994, L’olivo e l’olivastro de Vincenzo Consolo 2 reconstitue les

étapes d’une nouvelle Odyssée, entendue à la fois comme voyage de retour,

comme nostos dans l’espace réel, et comme voyage fantastique dans l’espace

de la littérature et de la poésie, pour l’un de « ceux qui sont nés par

hasard dans l’île aux trois angles » (OO, p. 22). Mais cette Odyssée, largement

autobiographique, rêvée initialement comme un retour vers une

sicilienne Ithaque d’affection et de mémoire, se transforme bientôt en un

voyage dans le désastre qui s’est consommé pendant cette époque atroce

qu’a été, pour la Sicile comme pour l’Italie tout entière, la période des

années quatre-vingt.

Et nous sommes conviés à suivre le voyageur, à travers « une île perdue,

une Ithaque damnée » (OO, p. 80), où tout ce qui subsiste de ce qu’il a

connu et aimé est conservé par des érudits et des poètes, qui combattent

les prétendants à coup de chantiers de fouilles et de mots écrits noir sur

noir, ou par des sortes de gardiens de cimetières verghiens qui ont arrêté le

temps en régressant vers une illusoire Troie retrouvée (p. 53).

  1. La citation en exergue est extraite de Di qua dal faro, Milan, Mondadori, 1999, p. 262.
  2. V. Consolo, L’olivo e l’olivastro, Milan, Mondadori, 1994 ; ci-après, OO. La pagination renvoie à l’édition

de poche : V. Consolo, L’olivo e l’olivastro, Oscar Scrittori del Novecento, Milan, Mondadori, 1999.

 

C’est justement cette Troie, « lieu de pure existence, de simple hasard »

(OO, p. 49), celle du fallacieux âge d’or à laquelle s’accrochent les

Malavoglia, que le narrateur a voulu fuir lorsqu’il a quitté la Sicile à la fin

des années soixante pour aller vers ce qu’il appelle les lieux de l’histoire.

Vers Palerme, d’abord, « le lieu où se croisent les cultures et les idiomes les

plus divers » (p. 123) ; puis, lorsqu’il a eu le sentiment que toute la Sicile

n’était plus qu’un désert historique et social, vers Milan, « dans un contexte

urbain dont il ne possédait ni la mémoire, ni le langage » (SIM, p. 176 3). Et

lorsque Milan est devenu l’emblème de « la triste, aliénée et féroce nouvelle

Italie du massacre de la mémoire, de l’identité, de la décence et de la civilisation,

l’Italie corrompue, barbare, de la mise à sac, des spéculations, de la

mafia, des attentats, de la drogue, des voitures, du football, de la télévision

et des lotos, du tapage et des poisons » (OO, p. 71), alors, celui qui écrit a

eu le désir de réduire la fracture qui déchirait sa vie en accomplissant une

sorte de « voyage pénitentiel » (p. 20) afin de revenir, après plus de vingt

ans, au point de départ (p. 120).

À ceci près qu’il ne s’agit pas, pour « l’éternel Ulysse, le voyageur errant

à travers l’île qui fut autrefois son Ithaque » (OO, p. 141), de se laisser réabsorber

« par cette nature et cette histoire suspendues, par cette ensorcelante

immobilité » (p. 122) qu’il a quittées jadis en se bornant à constater, sur

le mode nostalgique et plaintif, qu’il ne retrouve que quelques vestiges de

la Sicile qu’il a aimée. Il s’agit d’abord et surtout d’affronter « les ennemis

réels, les ennemis historiques qui se sont installés dans sa maison » (p. 20),

en dénonçant ce qu’ils ont fait de son Ithaque et, métaphoriquement 4,

de toute l’Italie, au cours des deux dernières décennies, celles des années

soixante-dix et quatre-vingt.

Pour cette double tâche d’évocation et de dénonciation, Consolo fait

un choix poétique difficile car il prend consciemment le risque mortel « de

sortir du récit, de nier la fiction » (OO, p. 77), contrairement à certains

de ses compatriotes, tel son ami Sciascia en particulier, qui ont cru pou-

  1. V. Consolo, Il sorriso dell’ignoto marinaio, Turin, Einaudi, 1976 ; ci-après, SIM. Ce texte sera à nouveau

publié avec une postface intitulée : « nota dell’autore, vent’anni dopo », Milan, Mondadori, 1997. La pagination

renvoie à l’édition de poche : V. Consolo, Il sorriso dell’ignoto marinaio, Oscar Scrittori del Novecento, Milan,

Mondadori, 2002. Le texte de la postface que nous citons ici et auquel nous reviendrons plus loin est paru

aussi dans Vincenzo Consolo, Di qua dal faro, ouvr. cité ; ci-après, DQDF. La pagination renvoie à l’édition de

poche : V. Consolo, Di qua dal faro, Oscar Scrittori del Novecento, Milan, Mondadori, 2001.

  1. Outre que par Consolo, le fait que la Sicile et la situation sicilienne soient devenues une métaphore de ce

qui se passe dans l’Italie tout entière après la seconde guerre mondiale et la trahison des idéaux de la Résistance,

est illustré par Sciascia, en particulier dans son ouvrage intitulé la Sicilia come metafora, Milan, Mondadori,

1979, ouvrage qui présente la caractéristique très significative d’avoir été d’abord publié en France sous le titre

La Sicile comme métaphore, conversations en italien avec Marcelle Padovani, Paris, Stock, 1979.

voir se servir des instruments de la littérature de masse pour dénoncer les

dérives de la société dont la littérature de masse est le produit 5. Il choisit

en outre, comme un autre Ulysse sicilien, comme Verga, d’inventer une

langue. Mais, alors que la langue de Verga « a comme imprimé le positif

italien sur un négatif lexical et syntaxique dialectal » (DQDF, p. 119), celle

de Consolo est prise dans l’épaisseur de toutes les langues de toutes les

cultures qui se sont succédées et imbriquées dans l’île, pour mieux en dire

et en préserver la réalité, au risque d’être, comme Verga, « détesté à cause

de sa langue extrême » (OO, p. 58) et de devoir un jour se réfugier dans la

solitude, dans l’aphasie, ce qui signifierait, ce qui signifie peut-être déjà,

que les monstres ne sont plus des fruits du sommeil ou du remords mais

« de vraies menaces, des catastrophes réelles et imminentes » (p. 58).

Ce n’est donc pas la thématique existentielle de l’exil et du retour qui

justifie, à elle seule, la référence constamment explicite au voyage initiatique

et expiatoire d’Ulysse, c’est aussi que l’Odyssée est d’abord et avant

tout un poème et que Consolo entend, dans le droit fil de l’expérimentation

littéraire qu’il conduit depuis des années déjà 6, défendre et illustrer

un nouvel épos et un nouveau logos, tissés, comme la toile de Pénélope,

avec tous les fils de la mémoire rassemblés pour résister aux usurpateurs et

à leurs créatures monstrueuses.

« Ora non può narrare 7 ». Tels sont les mots qui ouvrent un texte qui refuse

effectivement la linéarité du récit, son développement sur un axe temporel

unique et la hiérarchie qui régit les rapports entre le narrateur et ceux qui

devraient rester des personnages, entre sa voix dominante et leurs voix

secondaires.

À une seule exception près, à laquelle nous reviendrons, celui qui écrit

le fait à la troisième personne, en se définissant justement comme « celui

qui écrit » (OO, p. 77) ou comme le voyageur. Un voyageur écrivant dont

l’existence pourrait relier, et relie parfois, anecdotiquement, les fragments

  1. Nous faisons en particulier allusion ici aux quatre grands romans où Sciascia a utilisé, en les subvertissant,

les règles et les modalités narratives du genre policier pour dénoncer la subversion de l’État de droit par les

représentants de l’État ; romans que l’on peut donc considérer comme les ouvrages fondateurs de ce que l’on

appelle aujourd’hui “il noir mediterraneo” ou “noir d’inchiesta” : Il giorno della civetta, Turin, Einaudi, 1961 ;

A ciascuno il suo, Turin, Einaudi, 1966 ; Il contesto, Turin, Einaudi, 1971 ; Todo modo, Turin, Einaudi, 1974 ;

auxquels on peut ajouter son tout dernier roman : Una storia semplice, Milan, Adelphi, 1989.

  1. Outre que dans la postface à Il sorriso dell’ignoto marinaio précédemment citée, Consolo développe les

axes principaux de sa poétique plurilingue et multiculturelle dans un certain nombre des articles du recueil Di

qua dal faro ; particulièrement dans la section « Sicilia e oltre », p. 211-248.

  1. Dans cette partie de notre étude, consacrée à l’écriture et à la langue de Consolo, nous avons choisi de

conserver le texte original pour certaines citations particulièrement représentatives du rythme et du caractère

“mistilingue” de sa prose.

de ce qui ne peut pas et ne veut pas devenir un récit, pour la bonne raison

que son voyage personnel dans l’espace circonscrit de l’île est aussi un

voyage à travers d’autres vies et dans d’autres temps, voire dans le non-lieu

et le non-temps, dans l’utopie et l’uchronie littéraires.

L’ouvrage est en effet conçu comme une succession de tranches de vie

que chacun de ceux qui les ont vécues vient exposer tour à tour. Beaucoup

d’entre elles sont issues de la réalité, qu’il s’agisse de la vie ordinaire des

émigrants anonymes poussés par les caprices de la nature ou par la misère

à quitter une terre ébranlée par les tremblements de terre et ravagée par

les éruptions volcaniques ou saignée par la corruption et les exactions

mafieuses ; ou bien qu’il s’agisse de la vie, dédoublée ou redoublée par leurs

oeuvres, d’artistes et d’écrivains emblématiques : Antonello da Messina (OO,

  1. 10) et le Caravage dont les tableaux proposent des paysages d’amour et

de mémoire sur lesquels plane déjà l’ombre de la corruption et de la mort

(p. 86-97) ; mais aussi Verga, qui a vécu l’exil et le retour « in un’isola che

non era l’Itaca dell’infanzia, la Trezza della memoria, ma la Catania pietrosa

e inospitale, emblema d’ogni luogo fermo o imbarbarito, che mai lo

riconobbe come l’esule che torna, come il figlio » (p. 58) et Sciascia, à qui

Vittorini avait prédit qu’il serait emprisonné dans la forme de celui qui

reste en Sicile (p. 16). Ou encore Pirandello qui pensait, au début du siècle

dernier, que « quel presente burrascoso e incerto […], ebbro d’eloquio osceno,

poteva essere rappresentato solo col sorriso desolato, con l’umorismo straziante,

con la parola che incalza e che tortura, la rottura delle forme, della struttura »

(p. 67).

Et c’est bien parce que Consolo est convaincu de vivre, lui aussi, un

présent tempétueux qu’il rompt à son tour les structures du récit en intercalant

entre ces tranches de vie, et en résonance avec elles, des moments

de sa propre vie, mais aussi des tranches de vie empruntées à ces oeuvres

et à ces textes littéraires, sous forme d’évocations presque incantatoires ou

de citations ; en entremêlant aux passages de l’Odyssée, origine de toutes

les odyssées du monde, des fragments de I Malavoglia, par exemple, parce

que même si « la “casa del nespolo” n’a jamais existé […] les personnages,

les personnes, les Malavoglia de toutes les Trezza du monde ont existé »

(OO, p. 50).

Tous ces fragments d’être, capturés dans toutes les époques et tous les

milieux, habitent et animent chaque lieu visité par le voyageur. Toutes

ces voix se mêlent dans une polyphonie où chaque personnage de la nouvelle

épopée, du nouvel épos qui nous est proposé, peut se faire entendre

et continuer à exister dans une sorte d’éternel présent qui est celui de la

mémoire personnelle et littéraire. Et celui qui écrit peut dire qu’il est à la

fois « l’astuto inventore degli inganni, il guerriero spietato, l’ambiguo indovino,

il re privato dell’onore, il folle massacratore degli armenti […], l’assassino

di […] sua figlia » (OO , p. 1) ; il peut dire la peine de Maruzza qui,

« madre ammantata, immobile avanti al mare, ai marosi, priva di lacrime,

lamento, parola […], si porta le mani nei capelli, urla nera nel cuore (p. 47) ;

il peut dire qu’il est né à Gibellina et « ha lasciato nelle baracche la madre e

la sorella […]. La sorella più non parla, sì e no con la testa è il massimo che

dice » (p. 9-10). Ainsi, coryphée à la voix plurielle, il redonne une voix à

chacun des membres de cette humanité multiple, littéraire ou réelle, pour

que les hommes du temps présent les entendent et se souviennent d’eux.

C’est pourquoi il ne veut pas être seulement un nouvel Ulysse qui en

racontant « diventa l’aedo e il poema, il cantore e il canto, il narrante e il narrato,

l’artefice e il giudice […], l’inventore di ogni fola, menzogna, l’espositore

impudico e coatto d’ogni suo terrore, delitto, rimorso » (OO, p. 19). Car, tel

Ulysse avec son bagage de remords et de peine, il a atteint « le point le plus

bas de l’impuissance humaine, de la vulnérabilité » et il va devoir choisir

entre « la perte de soi, l’anéantissement dans la nature et le salut au sein

d’une société, d’une culture » (p. 17-18), entre l’oléastre et l’olivier. Car,

comme l’inventeur du « monstre technologique » (p. 20), qui du meilleur

peut faire le pire, de l’instrument de la victoire l’instrument du désastre,

du progrès la barbarie, il fait lui aussi partie de cette humanité ambiguë

dont Ulysse, le plus humain des héros grecs, est le plus parfait représentant.

C’est justement contre ce désastre et cette barbarie dont il découvre

les plaies à chaque étape de son périple autour de l’île que le voyageur

Consolo, devenu bâtisseur d’épopée, a voulu dresser le rempart de toutes

les vies et de toutes les voix stratifiées qu’il a convoquées dans son Odyssée

moderne, un fragment après l’autre, un mot après l’autre. Un rempart à

l’image de l’histoire de la Sicile, condamnée par la géographie à subir l’histoire

8, et qui a connu au cours des siècles une infinité de maux, qu’il s’agisse

des tremblements de terre ou des éruptions de l’Etna, des rivalités entre

colonies voisines ou des invasions constantes, mais dont les villes détruites

par les secousses ou les coulées de lave ont été relevées, à l’instar de Catane

dont les habitants sont revenus « a ricostruire mura, rialzare colonne, portali,

recuperare torsi, rilievi, mescolando epoche, stili, epigrafi, idoli, in una babele,

in una sfida spavalda e irridente » (OO, p. 57). Et Syracuse a su devenir,

malgré les invasions ou grâce à elles, « la molteplice città, di cinque nomi,

d’antico fasto, di potenza, d’ineguagliabile bellezza, di re sapienti e di tiranni

  1. Expression empruntée à L. Sciascia, Cruciverba, Turin, Einaudi, 1983, p. 176.

ciechi, di lunghe paci e rovinose guerre, di barbarici assalti e di saccheggi: in

Siracusa è scritta come in ogni città d’antica gloria, la storia dell’umana civiltà

e del suo tramonto » (p. 83-84).

Et c’est justement à Syracuse que celui qui écrit mesure l’abîme qui

sépare la ville de ses souvenirs, l’île où, « voyageur solitaire le long d’un

itinéraire de connaissance et d’amour, par les sentiers de l’Histoire, il vagabonda

pendant un lointain été » (OO, p. 143), et la ville présente, l’île

damnée, métaphore de l’Italie fascisante des années quatre-vingt (p. 140).

C’est de part et d’autre de l’omphalos d’Ortygie que les deux réalités, la

passée et la présente, se distinguent l’une de l’autre, c’est « dans l’espace

en forme d’oeil, dans la pupille de la nymphe, sur la place où règne la maîtresse

de la lumière et de la vue » (p. 83), que, à l’instar du Caravage sur le

visage de son page, le coryphée voit, comme dans un miroir déformant,

fleurir « la vermeille, la noire tache de la peste, de la corruption et de la

fin » (p. 92).

Bien sûr le voyageur pourrait, au risque de se comporter comme « un

presbite di mente che guarda al remoto ormai perduto, si ritrae in continuo

dal presente, sciogliere un canto di nostalgia d’emigrato a questa città della

memoria sua e collettiva, a questa patria d’ognuno ch’è Siracusa, ognuno che

conserva cognizione dell’umano, della civiltà più vera, della cultura » (OO,

  1. 84). Mais il ne veut pas de ce repli sur un hypothétique âge d’or : « Odia

ora. Odia la sua isola terribile, barbarica, la sua terra di massacro » (p. 105).

Car désormais, non seulement ce que les caprices de la nature détruisent

n’est plus reconstruit mais, de surcroît, la spéculation immobilière et

l’industrialisation sauvage achèvent de faire disparaître, en les recouvrant

d’une dernière strate mortifère, les témoignages d’une culture millénaire et

les beautés d’un patrimoine naturel incomparable. Comme à Augusta « che

gli appare nella luce cinerea, nella tristezza di un’Ilio espugnata e distrutta,

nella consunzione dell’abbandono, nell’avvelenamento di cielo, mare, suolo »

(p. 34). Comme à Milazzo où « sulla piana dove pascolavano gli armenti del

Sole, dove si coltivava il gelsomino, è sorta una vasta e fitta città di silos, di

tralicci, di ciminiere che perennamente vomitano fiamme e fumo » (p. 28).

Et le cancer qui ronge les lieux se propage et corrompt aussi les habitants

(p. 117). Comme à Gela où est née non seulement la ville « dell’edilizia

selvaggia e abusiva, delle case di mattoni e tondini lebbrosi in mezzo al fango

e all’immondizia di quartieri incatastati, di strade innominate, la Gela dal

mare grasso d’oli, dai frangiflutti di cemento [ma anche] la Gela della perdita

d’ogni memoria e senso, del gelo della mente e dell’afasia » (p. 79). Comme à

Avola dont la place géométrique et lumineuse est

vuota, deserta, sfollata come per epidemia o guerra, rotta nel silenzio dal rombare delle

motociclette che l’attraversano nel centro per le sue strade ortogonali, occupata […] da

mucchi di giovani […] che fumano, muti e vacui fissano la vacuità della piazza come in

attesa di qualcuno, di qualcosa che li salvi. O li uccida. Cosa è successo in questa vasta

solare piazza d’Avola? Cos’è successo nella piazza di Nicosia, Scicli, Ispica, Modica, Noto,

Palazzolo, Ferla, Floridia, Ibla? Cos’è successo in tutte le belle piazze di Sicilia, nelle piazze

di quest’Italia d’assenza, ansia, di nuovo metafisiche, invase dalla notte, dalle nebbie, dai

lucori elettronici dei video della morte? (OO, p. 112)

Cos’è successo, dio mio, cos’è successo a Gela, nell’isola, nel paese in questo atroce tempo?

Cos’è successo a colui che qui scrive, complice a sua volta o inconsapevole assasssino? Cos’è

successo a te che stai leggendo? (OO, p. 81)

Que s’est-il passé, effectivement, pour que celui qui écrit se prenne

lui-même à partie dans une sorte de dédoublement où sa voix semble se

dissocier de sa plume et lance ce « Dio mio » qui n’est pas une exclamation

vide de sens mais un véritable cri de douleur ; un cri de douleur à travers

lequel Consolo, car c’est bien de lui qu’il s’agit ici, trahit, pour la seule et

unique fois tout au long de cette Odyssée polyphonique, l’engagement

qu’il s’est fixé de n’être que le porte-voix et le porte-plume, de ne jamais

dire, contrairement à Pausanias, « Io sono il messaggero, l’anghelos, sono il

vostro medium, a me è affidato il dovere del racconto: conosco i nessi, la sintassi,

le ambiguità, le malizie della prosa, del linguaggio » (OO, p. 39). Pausanias

qui représente, dans le texte de Consolo, les Proci, les prétendants de la

naissante littérature postmoderne qui se font les complices, à moins qu’ils

n’en soient les fauteurs, de l’assassinat de la culture et de la mémoire par

le pouvoir politico-médiatique déjà tout-puissant depuis un certain décret

de 1983. Pausanias à qui Empédocle, dont Consolo reprend à son compte

l’approche sensorielle et poétique de la connaissance et la philosophie du

savoir révélé par le logos, rétorque :

Che menzogna, che recita, che insopportabile linguaggio! È proprio il degno figlio di

quest’orrendo tempo, di questo abominevole contesto, di questo gran teatro compromesso,

di quest’era soddisfatta, di questa società compatta, priva di tradimento, d’eresia, priva di

poesia. Figlio di questo mondo degli avvisi, del messaggio tondo, dei segni fitti del vuoto.

(OO, p. 40)

Que s’est-il passé pour que, après avoir engagé directement sa responsabilité

en tant qu’écrivant, celui qui écrit apostrophe ainsi le lecteur et

l’accuse d’être le complice de l’assassinat du logos par les Proci de la littérature

de masse ?

Peut-être la réponse se trouve-t-elle dans ce qu’ils ont tous en commun :

le langage, l’écriture, les mots en somme ?

Peut-être tout cela a-t-il commencé dans les mots, par les mots ?

C’est en tout cas ce que Consolo entend démontrer, comme Sciascia

l’avait fait, en 1978, à l’occasion de sa magistrale enquête philologique sur

les documents relatifs à l’Affaire Moro 9. Une enquête où il donnait raison

à Pasolini qui, dans son célèbre article de 1975, dit “l’article des lucioles”,

affirmait déjà que « comme toujours, ce n’est que dans la langue que sont

apparus les premiers symptômes ». « Les symptômes, commente Sciascia,

de la course vers le vide de ce pouvoir démocrate-chrétien qui avait été,

jusqu’à dix ans auparavant, la continuation pure et simple du régime fasciste.

» (AM, p. 15)

Les mêmes symptômes s’étaient justement manifestés dans les années

qui avaient précédé la montée du fascisme, et la transformation du langage

en gesticulation oratoire, en rhétorique patriotarde 10, avait déjà été

un signe avant-coureur, une préfiguration de la corruption du corps social

et de la vie publique par la peste fasciste. Alors, la langue que Verga avait

forgée pour son poème narratif, son « épopée populaire » (OO, p. 48),

s’était abîmée dans « la retorica sicilianista, l’equivoco, l’alibi regressivo e

dialettale dei mafiosi, dei baroni e dei poetastri » (p. 77), ou s’était perdue

dans l’aphasie et le silence, devant « l’eloquio vano, prezioso e abbagliante di

D’Annunzio, […] i giochi spacconi e insensati dei futuristi » (p. 59).

De la même façon, les malheurs de Gela ont commencé lorsque, au lieu

d’encourager, après l’unanimisme fasciste, ce qui aurait pu être un nouveau

Risorgimento culturel et linguistique, la plupart des intellectuels italiens,

pour des raisons largement idéologiques, ont préféré, comme Visconti,

tourner des films tels que La terra trema, où « la lingua inventata da Verga

regrediva in dialetto, in suono incomprensivo, in murmure di fondo » (OO,

  1. 50) ou bien considérer, comme Vittorini, que la découverte de pétrole

dans les tombes grecques et les citernes sarrasines de ce petit village de

pêcheurs et la naissance de Gela 1, Gela 2, Gela 3 et de la Gulf Italia

Company méritaient d’être célébrées à grand renfort de « volenterosa poesia,

retorica industriale, lombarda e progressiva » (p. 78).

Le résultat de ces choix esthétiques et politiques, dont Consolo n’exclut

pas, comme on l’a vu, que lui-même et le lecteur aient pu être les

complices, s’affichent sur le visage de la Gela des années quatre-vingt et

la misère culturelle et morale dans laquelle vivent ses habitants se reflète

dans le spectacle de désolation qu’elle offre au voyageur. La misère des plus

jeunes, en particulier, qui n’ont eu pour seuls repères que ceux qui leur

  1. L. Sciascia, L’affaire Moro, Palermo, Sellerio, 1978 ; ci-après AM.
  2. Sciascia avait analysé les raisons politiques et sociologiques de ce qu’il considérait, déjà, comme une dérive

irréversible de la langue et de la littérature vers la confusion et le vide dans 1912+1, Milan, Adelphi, 1986, p. 13-16.

ont été fournis par « la furbastra e volgare letteratura sulla degradazione e la

marginalità sociale, sul male di Gela, di Licata, di Palma di Montecchiaro,

di Canicattì o di Palermo servito in serials televisivi, in Piovra 1, Piovra 2,

Piovra 3 [e nei] libri di vuote chiacchiere, di stanca ecolalia sui mali di Sicilia »

(OO, p. 80). Quant à ceux qui n’ont même plus ces repères-là, il ne leur

reste que « il linguaggio turpe della siringa e del coltello, della marmitta fragorosa

e del tritolo » (p. 79).Si, effectivement, tout s’est d’abord joué dans

la langue du fait d’une funeste trahison des clercs, Consolo semble penser

que ce n’est qu’avec la langue que l’on peut reconstruire ce que la langue

du non-dire politique et la non-langue de la culture de masse ont détruit 11.

Et pour qu’on ne puisse pas dire de tous les villages de Sicile, de tous

les villages d’Italie, ce que, à la fin des années quatre-vingt, il dit d’Acitrezza

qui n’est plus que « morte dell’anima, sigillo d’ogni pianto, arresto del

canto, fine del poema, turbinio di parole, suoni privi di senso » (OO, p. 49),

il proclame que

Trova solo senso il dire o ridire il male, nel mondo invaso in ogni piega e piaga dal diluvio

melmoso e indifferente di parole atone e consunte, con parole antiche o nuove, con diverso

accento, di diverso cuore, intelligenza. Dirlo nel greco d’Eschilo, in un volgare vergine

come quello di Giacomo o di Cielo o nella lingua pietrosa e aspra d’Acitrezza. (OO, p. 77)

Il ne s’agit pas là d’une simple déclaration de poétique mais d’une

véritable déclaration de guerre contre la langue corruptrice du pouvoir,

dénoncée précédemment par Pasolini et Sciascia, de la même façon que

le refus du récit était une déclaration de guerre contre la pensée unique

incarnée par le tout-puissant narrateur, le roman étant le genre littéraire le

plus menacé par l’une et par l’autre car, « dès lors qu’il doit nécessairement

contenir une valeur communicative, il risque d’être envahi par la communication

du pouvoir, il risque d’être entièrement possédé par sa langue »

(DQDF, p. 235).

Pour ne pas être possédé par la langue uniformisante de ce pouvoir destructeur

de culture et de mémoire dont la disparition des lucioles marque

métaphoriquement la naissance, par la langue de la nouvelle société de

masse, Consolo entend donc, comme Verga autrefois, inventer un nouveau

logos, capable d’aller au-delà de l’idéologie dominante, au-delà de la signification

historique et politique, « dans le sens d’une condition humaine

  1. À propos de la langue du non-dire inventée par les hommes politiques italiens à l’aube des années quatrevingt,

voir la réflexion de Sciascia dans L’affaire Moro, explicitement énoncée p. 15-16 et développée tout au long

de son enquête sur les documents de l’enquête. Quant à la non-langue de la culture de masse ici dénoncée, elle

fait l’objet d’une analyse critique plus approfondie de la part de Consolo dans la dernière section de Di qua dal

faro intitulée Parole come pietre.

générale et éternelle. Un langage qui, en allant de la communication vers

l’expression, rejoint donc la poésie » (DQDF, p. 229 et p. 282).

De fait, à l’instar de la construction polyphonique qu’il a élaborée en

atomisant le récit en une succession horizontale de tranches de vie qui

trouvent leur cohérence dans les rapports psychologiques et physiques qui

lient les uns aux autres ceux qui les ont vécues et les relient aux lieux où

ils ont vécu, Consolo forge une langue multiple en creusant verticalement

dans l’épaisseur des stratifications linguistico-culturelles accumulées dans

le creuset sicilien. Ainsi, dans le même paragraphe et parfois dans la même

phrase, se succèdent des mots d’autrefois et des mots d’aujourd’hui, des

mots d’ici et des mots d’ailleurs, dans une infinité de combinaisons qui

permet à la fois de capturer au mieux la vraie réalité et d’échapper aux tentatives

de récupération par la langue plate et vide du discours dominant,

grâce à un “mistilinguisme” que nous avons analysé de façon plus systématique

dans d’autres travaux 12 et dont les citations que nous donnons ici

en langue originale donnent un aperçu.

Cependant, cette langue hybride, ce cheval qui recèle dans ses flancs

les troupes bigarrées de toutes les langues du bassin méditerranéen à travers

les âges et qui est destiné à faire tomber la nouvelle Troie de la kermesse

médiatico-littéraire afin qu’Ulysse-Consolo puisse rentrer dans une

Ithaque débarrassée des usurpateurs, n’est-elle pas l’un de ses monstres

artificiels capables de réveiller les vrais monstres que l’on voit lorsqu’on

s’approche de Gela, de vrais monstres à la double nature, issus eux aussi de

strates multiples, capables eux aussi de tromper sur leurs origines et leurs

fins, et qui ressemblent à s’y méprendre aux Cyclopes et aux Lestrygons qui

entravèrent jadis le retour d’Ulysse et annoncèrent naguère le fascisme ?

Sono ancora lì sparsi i fortini, le casematte della difesa costiera, sembrano, affioranti dalle

dune, dai macconi, bianchi di fresca scialbatura, le coperture a calotta, i neri occhi delle

feritoie, le teste di giganti, d’arcaici guerrieri che stanno per risorgere o mostri, robot di calcestruzzo,

che emergono da ipogei, caserme sotterrranee, avanzano, marciano, distruggono

[…] Più avanti, nella vasta landa saudita, sono le teste d’ariete, i lunghi colli delle pompe

che vanno su e giù come in un movimento vano e inarrestabile, gli astratti metafisici

ingranggi di cui nessuno sa l’origine e il fine. Qui è il teatro dell’abbaglio e dell’inganno,

del petrolio favoloso […] qui il Gela 1, Gela 2, Gela 3 [che] accesero Mattei di forza e di

  1. Voir, en particulier, L. Bossi, La voix de la Sicile, entre idiolecte et mistilinguisme (actes du colloque international

« Les enjeux du plurilinguisme dans la littérature italienne », CIRILLIS de l’université de Toulouse-Le

Mirail, 11-13 mai 2006). Collection de l’ECRIT, CIRILLIS/IL LABORATORIO, Presses de l’université de

Toulouse-Le Mirail, 2007. Ead., De Verga à Camilleri : entre sicilitude et sicilianité, les auteurs siciliens font-ils du

genre ? (actes du Séminaire « Identité(s), langage et modes de pensée », CERCLI de l’université de Saint-Étienne,

7 novembre 2003), dans Identité, langage(s) et modes de pensée, études réunies par Agnès Morini, Publications

de l’université de Saint-Étienne, 2004.

speranza, lo spinsero alla sfida dell’ENI statuale al duro capitalismo dei privati, al Gulf

Italia Company, alla Montecatini […], posero sopra le facce malariche dei contadini i

bianchi caschi di plastica operaia.

Da quei pozzi, da quelle ciminiere sopra templi e necropoli, da quei sottosuoli d’ammassi

di madrepore e di ossa, di tufi scanalati, cocci dipinti, dall’acropoli sul colle difesa

da muraglie, dalla spiaggia aperta a ogni sbarco, dal secco paese povero e obliato partì il

terremoto, lo sconvolgimento, partì l’inferno d’oggi (OO, p. 78-79).

Comme l’auraient dit Manzoni, et Sciascia après lui, ainsi allaient les

choses en 1994.

Pour avoir trop bien manipulé la technique de ce sous-produit littéraire

de la culture de masse qu’était le roman policier dans les années soixantedix,

Sciascia, justement, avait été accusé d’avoir, avec ces préfigurations que

sont Il contesto et Todo modo, provoqué en quelque sorte « l’affaire Moro »

alors même que son but était de dénoncer les énigmatiques corrélations

dont Moro a été l’acteur et la victime, ainsi que le langage du non-dire

qu’il a si bien su utiliser et qui l’a ensuite empêché de se faire comprendre 13.

Mais depuis, le roman policier et sa structure sont devenus une sorte de

schéma narratif unique utilisé non seulement par ceux qui veulent, à la

suite de Sciascia, dénoncer les dérives du pouvoir politico-médiatique 14,

mais aussi et surtout par les suppôts de ce même pouvoir dont les ouvrages

produits à la chaîne étouffent et excluent toute tentative de subversion et se

bornent à entretenir les peurs ataviques et les comportements paranoïaques

que le pouvoir a toujours su utiliser à son profit.

De la même façon, alors que Consolo espérait encore, à la fin des années

quatre-vingt, pouvoir opposer au déferlement de la communication standardisée,

son épos à la structure polyphonique, composée de tout le substrat

mythopoétique méditerranéen, et son nouveau logos, sa langue plurielle,

faite de toutes les langues d’histoire et de mémoire fondues dans le creuset

sicilien, ses tentatives et celles de ceux qui, comme lui, s’efforçaient de faire

entendre des voix marginales, ont été noyées dans un multiculturalisme

et un communautarisme institutionnels grâce auxquels ces voix ont été

récupérées et canalisées.

En démultipliant et en divisant ainsi les enracinements culturels au

nom d’une diversité de façade, les serviteurs du pouvoir ont réussi à affaiblir

les racines de l’olivier dans lequel Ulysse avait taillé sa couche nuptiale,

  1. Voir AM, p. 16 et p. 27. Consolo a lui-même fait une analyse des choix narratifs de Sciascia dans la section

de Di qua dal faro intitulée Intorno a Leonardo Sciascia, p. 185-208, dans laquelle on lira avec profit les articles

Letteratura e potere et Le epigrafi, en particulier p. 199.

  1. Massimo Carlotto ou le collectif Wu Ming, entre autres représentants du genre noir d’inchiesta, exploitent

aujourd’hui cette veine et se substituent aux journalistes et aux historiens défaillants.

Lise Bossi

qui est aussi le berceau de toute notre civilisation, et, par myopie ou de

propos idéologique délibéré, à ne préserver que cette partie du tronc sur

laquelle prospère l’oléastre, l’olivier sauvage.

Encore quelques années et la langue de Consolo, dont la complexité

sémantique et la richesse lexicale défient déjà la traduction, sera devenue

incompréhensible pour la plus grande partie de ses compatriotes ; encore

quelques années et plus personne ne saura pourquoi Ulysse voulait tant

revenir à Ithaque. Et alors, qui dira le mal et dans quelle langue ?

Seduzione amorosa e seduzione artistica in Retablo di Vincenzo Consolo

download (2)Seduzione amorosa e seduzione artistica in Retablo di Vicenzo Consolo

Tatiana Bisanti

 

La scrittura della seduzione

La seduzione della scrittura

1
È solo a partire dal XVI secolo che il verbo sedurre ha acquisito l’accezione oggi comunemente più diffusa, quella di “convincere al rapporto sessuale”, entrata nell’italiano per influenza del francese séduire. Il verbo deriva dal prefisso se- “via, a parte” e ducere “condurre”, e significa dunque in origine “condurre via, condurre in disparte”, ovvero lontano da un percorso diritto e già segnato, dalla retta via (cf. Battaglia, 1961). E proprio il sedurre in tutti i sensi, anche in quello etimologico, è senza dubbio una delle chiavi di lettura più efficaci del romanzo Retablo (1987) di Vincenzo Consolo, un’opera sulla seduzione, ma anche e soprattutto un’opera di seduzione. La seduzione è, in altre parole, l’asse su cui ruota tutta la narrazione, sia dal punto di vista della materia narrata che da quello delle strutture narrative, ossia essa è al tempo stesso oggetto di rappresentazione e operazione in corso. Se da un lato, infatti, il sedurre è tematizzato nel racconto, dall’altro esso costituisce anche il principio strutturale dell’opera: la metafora della seduzione raffigura emblematicamente il processo in cui l’autore coinvolge il lettore, conducendolo su più strade, su diversi percorsi narrativi che si dipartono l’uno dall’altro e si intrecciano a vicenda.

La scrittura della seduzione

2
Come suggerisce il titolo, Retablo ha la struttura di un’ancona a vari scomparti: il romanzo si divide – come un trittico – in tre parti (Oratorio, Peregrinazione e Veritas), tre percorsi narrativi che raccontano la stessa storia da tre prospettive differenti. Il filone narrativo principale, il denominatore comune che unisce le tre parti del racconto, è una storia di seduzione, la storia dell’amore del frate Isidoro per Rosalia, che viene narrata da tre punti di vista. Nella prima parte, Oratorio, la storia è raccontata dalla prospettiva di Isidoro, narratore in prima persona. In Peregrinazione, la parte centrale, l’io narrante è quello di Fabrizio Clerici, pittore milanese che Isidoro accompagna nel corso del suo viaggio in Sicilia. La storia di Isidoro si intreccia allora con quella di Clerici, anch’egli amante infelice, in fuga da un amore non corrisposto per la milanese Teresa Blasco, storicamente la nonna di Manzoni, che andrà poi in sposa a Cesare Beccaria. Il capitolo finale, Veritas, è invece una lettera indirizzata ad Isidoro in cui Rosalia racconta la storia dal proprio punto di vista. E come in un retablo sotto gli elementi del polittico c’è una predella, così anche nel romanzo di Consolo al filone narrativo principale si accompagna un altro percorso narrativo, ovvero la storia di un’altra Rosalia, sedotta dal corrotto fra’ Giacinto.

1  Per le successive citazioni da quest’opera si indicherà d’ora in poi solo il numero di pagina.

3
Retablo è innanzitutto, come dice Traina (2001: 27), “un romanzo sull’amore deluso”, un tema che affiora sempre assai pudicamente negli altri libri di Consolo, mentre qui si fa motore e ragione di tutta l’azione, di tutto il viaggio. Tre sono dunque le storie d’amore principali (ma ad esse si potrebbero aggiungere altri intrecci secondari) su cui si dipana il filo del racconto. La seconda sezione del libro, quella centrale e di gran lunga la più estesa, è il diario di viaggio che Clerici scrive per Teresa Blasco, la donna amata da cui cerca di allontanarsi compiendo la sua “peregrinazione” attraverso la Sicilia. È solo attraverso il “collaudato contravveleno della distanza”, infatti, che Clerici riesce a ritrovare quell’“aura irreale o trasognata” che gli consente di dedicarsi alla scrittura e alla pittura (Consolo, 1987: 87)1. Quello di Clerici è, per così dire, un caso di seduzione mancata: in fuga da un amore infelice, alla fine del suo viaggio apprenderà che l’amata sta per unirsi in matrimonio con Cesare Beccaria. Nel descrivere un momento di particolare abbandono nel corso del viaggio, la sosta presso i Bagni Segestani, Clerici chiama a raccolta i più celebri miti di seduzione della tradizione letteraria: in particolare quello di Ulisse indotto ad accettare i doni della maga Circe o deciso a resistere al canto seduttore delle sirene, oppure la boccacciana novella di Biancofiore (pp. 61-62). La scena del bagno è il momento di seduzione più alto descritto da Clerici, ma è significativo che si tratti di una scena giocata sul puro piano dell’immaginazione: come Ulisse con le sirene, Clerici si fa sedurre solo in parte dal canto delle fanciulle che gli giunge attraverso la parete che separa il bagno degli uomini da quello delle donne. Non è un caso che il pittore non arrivi ad oltrepassare questa parete che divide i due mondi: in quanto artista egli può vivere il momento della seduzione solo a livello immaginario, e sempre mediato attraverso il filtro della letteratura. In questo momento di abbandono sensuale quelli che affiorano alla mente di Clerici sono episodi attinti esclusivamente all’immaginario letterario, quasi a frapporre una distanza rassicurante fra sé e il mondo, ad attutire attraverso lo schermo della finzione la forza dirompente della realtà in tutta la sua concretezza.

4
Un altro episodio del romanzo è emblematico di come la seduzione dell’arte assolva talvolta ad una funzione di compensazione nei confronti di una seduzione mancata nella vita: in quanto castrato, il maestro di canto don Gennaro non potrà mai sedurre l’adorata Rosalia, e sublima la propria mutilazione attraverso l’arte:

C’est la vie: chi canta non vive e chi vive non canta! […] siamo castrati tutti quanti vogliamo rappresentare questo mondo: il musico, il poeta, il cantore, il pintore… Stiamo ai margini, ai bordi della strada, guardiamo, esprimiamo, e talvolta, con invidia, con nostalgia struggente, allunghiamo la mano per toccare la vita che ci scorre per davanti. (p. 158)

5
Ma la classica contraddizione decadentista fra arte e vita viene subito contraddetta, relativizzata e deformata da una lente ironica: con un brusco abbassamento di registro Rosalia interpreta questo allungare la mano alla lettera, e lo riconduce ad un piano ben più concreto e corporeo:

Ha ragione, ha ragione don Gennaro! Così fanno, allungano le mani, questi artisti. Così il vecchio abate Meli, che alla Flora, sbucando avanti a me all’improvviso da un cespuglio, tocca, sospira e va, declamando poesie.

Così il cavalier Serpotta, lo scoltore plastico, quando il marchese mi portò da lui per farmi fare le pose per le statue della Veritas: al posto dello stucco, plasmava me, con insistente mano. (p. 158)

6
Un’analoga concretezza si ritrova nella storia della seduzione di una giovane di nome Rosalia da parte di fra’ Giacinto. Questa narrazione è inserita, come si è detto, a mo’ di predella a metà del romanzo e si sovrappone al racconto di Clerici grazie ad un felice espediente meta-narrativo: Clerici scrive infatti il proprio diario di viaggio sul retro di fogli già scritti, che recano sul davanti il racconto della storia di Rosalia (una delle tante Rosalie di Retablo, la cui identità o eventuale parentela con la Rosalia di Isidoro resta peraltro imprecisata). Approfittando dell’ingenuità della giovane, Giacinto si serve della religione come travestimento per le proprie voglie e i propri desideri più licenziosi. La descrizione di questo episodio è pervasa di forte sensualità e arricchita di particolari concreti.

7
Ma la vicenda amorosa centrale su cui si basa tutto il romanzo è la storia di seduzione di cui sono protagonisti Isidoro e la giovane Rosalia: sedotto prima dal cibo offertogli da Rosalia e dalla madre, poi dalle bellezze della giovane, Isidoro si innamora follemente, tanto da essere indotto a derubare il convento per portare soldi alle due donne. Scoperto l’imbroglio, Isidoro è costretto a fuggire e ad allontanarsi dall’amata. Sarà preso a servizio da Clerici, che riconosce in lui la vittima di “uno di quegli amori furenti che non trovano giammai appiglio o risonanza nel cuore del bersaglio al quale disperatamente son puntati. Ma forse questo è mai sempre il destino di qualsivoglia amore” (p. 34). L’amore, secondo Clerici, “è inseguimento vano, è inganno e abbaglio, fuga notturna in circolo e infinita, anelito mai sempre inappagato” (p. 34). La seduzione di Isidoro, nella descrizione che lui stesso ne fa, all’inizio non si discosta molto dai topoi tradizionalmente associati al processo dell’innamoramento. Il fuoco d’amore si accende attraverso gli occhi e gli sguardi, che, conformemente alla tradizione, sono detti “lampi” (p. 18): anche la scelta lessicale rimanda dunque alla lirica medievale. Ed è proprio sui topoi di questa tradizione (sguardi schivi, donna angelicata) che è costruita tutta la scena iniziale della seduzione:

E gli occhi tenea bassi per vergogna, ma da sotto il velario delle ciglia fuggivan lampi d’un fuoco di smeraldo. Mai m’ero immaginato, mai avevo visto in vita mia, in carne o pittato, un angelo, un serafino come lei. (p. 18)

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Ma è una tradizione che si rivela subito inadeguata a rendere conto della concretezza dei fatti, e che pertanto viene subito straniata attraverso l’introduzione di particolari ben più materiali e corporei:

Ché Rosalia, lei, a poco a poco aprì la mantellina, mostrò il corpetto, ciocche arricciate del color del rame, le boccole agli orecchi trasparenti; e sorrideva, con le fossette, mostrando a malapena i denti di cagnola. (pp. 18-19)

2  Questo passo sembra far eco alla reticenza e allusività di Francesca nel dantesco: “Quel giorno pi (…)

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Il narratore non si dilunga sui particolari; ed è reticente sul seguito, descritto in modo riassuntivo e lapidario: “Breve, la sera appresso conobbi il paradiso. E nel contempo cominciò l’inferno, l’inferno pel rimorso del peccato e per la ruberia del guadagno a danno del convento” (p. 19)2. In parte analoghi, ma più concreti, carnali e sensuali, i toni con cui Rosalia descrive gli stessi eventi dal proprio punto di vista: “mai prima di quella notte io provai il paradiso, né mai per l’innante proverò. […] E dopo quella notte, non volli più lavarmi, sciogliere l’essenza, disperdere l’odore tuo sparso nel mio corpo” (p. 156). Isidoro dal canto suo paragona la figura dell’amata a quella della statua di Santa Rosalia, protettrice di Palermo. La sua passione per la giovane si confonde con il culto e l’adorazione della Santa:
uguale a la Santuzza, sei marmore finissimo, lucore alabastrino, ambra e perla scaramazza, màndola e vaniglia, pasta martorana fatta carne. Mi buttai ginocchioni avanti all’urna, piansi a singulti, a scossoni della cascia, e pellegrini intorno, «meschino, meschino…», a confortare. Ignoravano il mio piangere blasfemo, il mio sacrilego impulso a sfondare la lastra di cristallo per toccarti, sentire quel piede nudo dentro il sandalo che sbuca dall’orlo della tunica dorata, quella mano che s’adagia molle e sfiora il culmo pieno, le rose carnacine di quel seno… E il collo tondo e il mento e le labbruzze schiuse e gli occhi rivoltati in verso il Cielo… (p. 16)

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E proprio il mito di Santa Rosalia, con la sua caratteristica fusione di misticismo e carnalità, sottolinea magistralmente questa sintomatica unione di amore divino e profano: nella descrizione del rapimento di Isidoro venerazione della santa, godimento estetico, desiderio erotico ed esperienza estatica diventano tutt’uno. L’annichilamento di Isidoro è totale nel momento in cui riconosce le fattezze dell’amata Rosalia nell’immagine allegorica della Veritas scolpita dal cavalier Serpotta:

Davanti a una di quelle dame astanti, una fanciulla bellissima, una dìa, m’arrestai. veritas portava scritto sotto il piedistallo. Era scalza e ignude avea le gambe, su fino alle cosce piene, dove una tunichetta trasparente saliva e s’aggruppava maliziosa al centro del suo ventre, e su velava un seno e l’altro denudava, al pari delle spalle, delle braccia… Il viso era vago, beato, sorridente… Mi sentii strozzare il gargarozzo, confondere la testa, mancare i sentimenti. Aprii disperato le ganasce e lanciai un urlo bestiale. – Rosaliaaa!… – urlai, e caddi a terra tramortito. (p. 24)

3  “In Consolo il linguaggio letterario cerca di rivaleggiare con la pittura” (Geerts, 2000: 308); “I (…)

4  Si veda ad esempio il contributo già citato di Geerts (2000) sui sapori della cucina consoliana e (…)

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Questa la descrizione dello stesso fatto dal punto di vista di Clerici: “davanti a la Verità, divenne matto: crollato in terra, si contorse, schiumò, lacerossi gli abiti, la faccia, quindi nel vico si diede a piangere, a urlare come un forsennato” (p. 149). Lo stato di sopraffazione che colpisce Isidoro di fronte all’immagine di Rosalia rimanda ai sintomi della sindrome di Stendhal. C’è, infatti, un legame inscindibile fra esperienza estetica ed estasi amorosa. È attraverso il procedimento dell’ekphrasis, familiare alla tradizione letteraria medievale, che si realizza nella scrittura di Consolo quel legame fra seduzione amorosa e seduzione artistica. Come hanno rilevato molti critici, in Consolo scrittura e arti figurative sono strettamente collegate fra loro3. La seduzione della scrittura consoliana agisce soprattutto sull’aspetto visivo, gioca con l’immagine, lo stimolo ottico. È un fenomeno che si ritrova già nel Sorriso dell’ignoto marinaio, dove la storia si sviluppa proprio a partire da un quadro, il Ritratto di ignoto di Antonello da Messina. L’affastellarsi delle sollecitazioni visive è una delle componenti fondamentali di quello che è stato definito il neo-barocco di Consolo. Non occorre insistere sul legame fra scrittura e pittura in Retablo. Esso è annunciato già programmaticamente nel titolo, e sottolineato inoltre dalla scelta dei personaggi: quello fittizio di Fabrizio Clerici è, non a caso, pittore, e rimanda direttamente all’omonimo personaggio reale (1913-1993), il pittore amico di Consolo e autore dei cinque disegni che accompagnano la versione a stampa del romanzo. Del resto non è solo sulla stimolazione visiva che gioca il barocco consoliano: il discorso letterario di Retablo fa leva su un vero e proprio coinvolgimento dei sensi (oltre alla vista, come si è già detto, anche l’udito, l’olfatto e soprattutto il gusto)4. Si tratta, pertanto, di una scrittura che può essere senz’altro definita “ seduttiva ”, in quanto mette in gioco le tecniche e i meccanismi tipici della seduzione.

La seduzione della scrittura

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La seduzione in Retablo non è dunque solo rappresentazione e tematizzazione del desiderio e delle sue modalità di manifestazione, ma soprattutto tecnica narrativa in atto, procedimento attraverso cui il testo conquista il suo destinatario. Il romanzo, infatti, irretisce il lettore nelle trame molteplici della narrazione, lo sorprende e lo avvince con la sfaccettatura e la pluralizzazione delle voci e delle prospettive, lo affascina con la sua lingua musicale, con un enunciato che, prima di appellarsi al significato, gioca innanzitutto sull’esplorazione delle potenzialità sonore, sfruttate al massimo attraverso il ritmo incalzante delle enumerazioni e un uso altissimo e intenso dell’allitterazione.

5 È lo stesso Consolo a sottolinearlo: “ho scelto il nome Rosalia per S. Rosalia, ma anche per scompo (…)

6 Si veda in particolare l’incipit del romanzo, a cui Consolo si è sicuramente ispirato (cf. in propo (…)

13
Si è già visto come la stessa storia di amore e seduzione, quella di Isidoro e Rosalia, sia raccontata da tre persone e pertanto a partire da tre prospettive diverse: ognuno narra la propria verità, il romanzo è costruito su una serie di percorsi indecidibili, tutti altrettanto validi. L’intrecciarsi e il sovrapporsi dei vari racconti conferisce al romanzo una struttura paradigmatica, associativa, verticale. È interessante notare come la pluralizzazione dei punti di vista e delle verità possibili avvenga proprio a partire dalle varie figure di donne sedotte o seduttrici, che sembrano confluire in un volto solo: quando infatti Clerici si accinge a disegnare un profilo di donna che nelle sue intenzioni dovrebbe ritrarre l’amata Teresa Blasco, don Vito vi riconosce la Rosalia per amor della quale aveva ucciso il seduttore fra’ Giacinto, mentre Isidoro è convinto che si tratti della propria Rosalia (p. 87). Il fulcro su cui convergono tutti questi percorsi sono dunque le fattezze, ma soprattutto il nome di Rosalia, personaggio dall’identità fluttuante e incerta. Questo nome viene a definire personaggi di volta in volta diversi e non identificabili l’uno con l’altro, diventando quindi una sorta di nome comune, nome di genere atto a definire una categoria di validità pressoché universale. Rosalia è il nome dell’amata di Isidoro, è la Rosalia del manoscritto, è la donna amata dal cavalier Serpotta e modello della statua raffigurante la Veritas; ma Rosalia è anche la santa venerata a Palermo e oggetto di culto da parte di innumerevoli devoti. Su Rosalia convergono tutti i percorsi di desiderio dei vari personaggi e dello stesso lettore. Tutto ciò è evidente fin dall’incipit, un sapiente esercizio di bravura stilistica tutto costruito sulla scomposizione del nome in Rosa e Lia e sulle suggestioni ed associazioni che ne scaturiscono5. Si penserà in proposito alle innumerevoli valenze attribuite da Petrarca al nome dell’amata Laura, mentre, sul versante moderno, il modello indiscusso è senza dubbio il Nabokov di Lolita, non a caso uno scrittore di seduzione per eccellenza6. Nell’incipit di Retablo il gioco fonico e associativo che prende il via dal nome dell’amata è un brillante esempio delle capacità di seduzione della lingua consoliana:

Rosalia. Rosa e lia. Rosa che ha inebriato, rosa che ha confuso, rosa che ha sventato, rosa che ha roso, il mio cervello s’è mangiato. Rosa che non è rosa, rosa che è datura, gelsomino, bàlico e viola; rosa che è pomelia, magnolia, zàgara e cardenia. Poi il tramonto, al vespero, quando nel cielo appare la sfera d’opalina, e l’aere sfervora, cala misericordia di frescura e la brezza del mare valica il cancello del giardino, scorre fra colonnette e palme del chiostro in clausura, coglie, coinvolge, spande odorosi fiati, olezzi distillati, balsami grommosi. Rosa che punto m’ha, ahi!, con la sua spina velenosa in su nel cuore.

Lia che m’ha liato la vita come il cedro o la lumia il dente, liana di tormento, catena di bagno sempiterno, libame oppioso, licore affatturato, letale pozione, lilio dell’inferno che credei divino, lima che sordamente mi corrose l’ossa, limaccia che m’invischiò nelle sue spire, lingua che m’attassò come angue che guizza dal pietrame, lioparda imperiosa, lippo dell’alma mia, liquame nero, pece dov’affogai, ahi!, per mia dannazione. Corona di delizia e di tormento, serpe che addenta la sua coda, serto senza inizio e senza fine, rosario d’estasi, replica viziosa, bujo precipizio, pozzo di sonnolenza, cieco vagolare, vacua notte senza lume, Rosalia, sangue mio, mia nimica, dove sei? (pp. 15-16)

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Tutto il passo è giocato sull’enumerazione e sull’accumulazione delle associazioni evocate dal nome Rosalia, associazioni che rimandano soprattutto a percezioni sensoriali. È proprio da questo insistito richiamo ai sensi che risulta evidente come il lettore si trovi qui coinvolto in un raffinatissimo gioco di seduzione. Si è già parlato dell’estrema forza visiva e dell’icasticità della scrittura consoliana. Ad essa si aggiungono qui sensazioni uditive create soprattutto dalle sonorità allitteranti del testo e da un andamento ritmico più vicino alla poesia che alla prosa. Si veda ad esempio la prima frase, in cui vengono elencati gli effetti della rosa sull’io narrante: i cinque elementi che la compongono possono essere letti come versi (i primi quattro saranno senari) a rima alternata (ababa, se si considera confuso e roso come rima siciliana). Non manca il richiamo alle percezioni tattili (la spina della rosa che punge, e più avanti l’impulso a toccare la statua della santa), ma soprattutto a quelle olfattive e gustative. Sarà soprattutto la prima parte del nome, la rosa, ad evocare odori inebrianti, segno di un processo di seduzione in corso, di un desiderio risvegliato e ancora insoddisfatto. Le immagini suscitate dalla seconda parte del nome, Lia, rimandano invece piuttosto alle sensazioni del palato, ad un piacere che, nel momento in cui viene gustato, si rivela subito veleno, seduzione letale che culmina in un “bujo precipizio, pozzo di sonnolenza, cieco vagolare, vacua notte senza lume”. Si noti come le associazioni che prendono il sopravvento alla fine del passo insistano proprio sulla mancanza di luce e sulla cecità, a sottolineare il fatto che alla perdita dell’amata corrisponde la fine delle percezioni dei sensi.

7  Cf. De Martino (1992: 48). Si vedano anche i diretti rimandi lessicali: “Ahi, non ho abènto” (p. 1 (…)

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Alle associazioni sensoriali risvegliate dal nome Rosalia si aggiungono quelle culturali e letterarie: da un lato l’effigie della santa venerata a Palermo, rappresentata nell’iconografia popolare con il capo cinto da una corona di rose bianche, dall’altro tutte le suggestioni letterarie legate all’immagine della rosa. La seduzione della scrittura nei confronti del lettore si avvale allora di tutta una serie di trame intertestuali che attraversano il testo e si sviluppano proprio a partire dal motivo della rosa: è lo stesso Consolo a mettere in risalto le affinità tra il discorso di Isidoro e Rosalia e il contrasto di Cielo d’Alcamo Rosa fresca aulentissima7. Il primo e l’ultimo quadro sono costruiti sul modello del contrasto. L’esempio di seduzione offerto dalla tradizione sarà in questo caso ironico. Ma non è da escludere nemmeno una suggestione derivante dal Roman de la Rose, storia allegorica di seduzione e conquista amorosa in cui l’amata è rappresentata, appunto, da una rosa (ma la metafora risale del resto già alla tradizione latina). Un altro intertesto di importanza centrale sono I promessi sposi manzoniani: non a caso l’amata di Clerici è Teresa Blasco, nonna di Manzoni; e come per quest’ultimo il Seicento era l’occasione per parlare dell’Ottocento, così per Consolo il Settecento è il filtro attraverso cui raccontare l’epoca attuale, come dimostra del resto l’anacronismo nella scelta del personaggio di Fabrizio Clerici, in realtà, come si è già detto, pittore contemporaneo.

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La stratificazione dei piani temporali viene ad aggiungersi alla sovrapposizione dei piani narrativi di cui si parlava prima. Quest’ultima trova la sua realizzazione più evidente nell’espediente dei fogli già scritti da Rosalia sul cui retro Clerici annota i suoi appunti di viaggio. Dice in proposito il narratore:

Sembra un destino, quest’incidenza, o incrocio di due scritti, sembra che qualsivoglia nuovo scritto, che non abbia una sua tremenda forza di verità, d’inaudito, sia la controfaccia o l’eco d’altri scritti. Come l’amore l’eco d’altri amori da altri accesi e ormai inceneriti. (p. 89)

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In tal modo Clerici istituisce un parallelo diretto fra scrittura e vicende amorose. E prosegue paragonando l’intersezione delle scritture a un retablo:

E il mio diario dunque ha proceduto […] come la tavola in alto d’un retablo che poggia su una predella o base già dipinta, sopra la memoria vera, vale a dire, e originale, scritta da una fanciulla di nome Rosalia. Che temo sia la Rosalia amata da don Vito Sammataro, per la quale uccise, e si convertì in brigante. O pure, che ne sappiamo?, la Rosalia di Isidoro. O solamente la Rosalia d’ognuno che si danna e soffre, e perde per amore. (p. 89)

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La metafora del retablo equivale qui a quella postmoderna del palinsesto. L’espediente dei fogli già scritti e riscritti sul retro, che la veste tipografica del romanzo riproduce fedelmente, raffigura in modo concreto e visibile quell’intertestualità di cui si parlava prima e che costituisce uno dei tratti salienti di Retablo. Il lettore può scegliere liberamente quale delle due storie leggere. L’interpretazione è aperta e l’intrecciarsi dei piani narrativi ha come effetto, da un lato, la pluralizzazione dei punti di vista, dall’altro però anche l’universalizzazione del destino individuale. La verità, sebbene inafferrabile, è al tempo stesso universalmente valida: tutti sono accomunati da uno stesso destino, vittime di uno stesso gioco di seduzione. La moltiplicazione dei piani narrativi è, in ultima analisi, solo apparente, perché tutti i percorsi convergono alla fine verso un destino universale che coinvolge tutti, lettore incluso.

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L’immagine del retablo compare più volte nel romanzo, secondo la tecnica postmoderna della mise en abyme. La spiccata autoreferenzialità e autoriflessività letteraria di certi passi è finalizzata ad un processo autocritico che si rivolge contro l’arte e le sue capacità di seduzione, contro la sua natura finzionale e fasulla che trae in inganno lo spettatore ingenuo. Tuttavia si tratta di un inganno che si rivela anche benefico, in quanto seduce, ovvero allontana l’ingannato dalla triste realtà, offrendogli consolazione e oblio:

L’invenzione di far veder nel quadro ciò che si vole, dietro ricatto d’essere, se non si vede, fortemente manchevole o gravato d’una colpa, non mi sembrò originar da loro. E mi sovvenni allora ch’era la trama comica de l’entremés del celebre Cervantes, intitolato appunto El retablo de las maravillas, giunto di Spagna in questa terra sicola e dai due fanfàni trasferito dalla finzione del teatro nella realitate della vita per guadagnar vantaggi e rinomanza. Io mi chiedei allor, al di là dell’imbroglio di Crisèmalo e Chinigò, nel vedere quei rozzi villici rapiti veramente e trasportati in altri mondi e vani, su alte sfere e acute fantasie, sopra piani di luce e trasparenze, col solo appiglio d’un quadro informe e incomprensibile e la parola più mielosa e scaltra, io mi chiedei se non sia mai sempre tutto questo l’essenza d’ogni arte (oltre ad essere un’infinita derivanza, una copia continua, un’imitazione o impunito furto), un’apparenza, una rappresentazione o inganno, come quello degli òmini che guardano le ombre sulla parete della caverna scura, secondo l’insegnamento di Platone, e credono sian quelle la vita vera, il reale intero, come l’inganno per la follia dolce de l’ingegnoso hidalgo de la Mancha don Chisciotte, che combatté contra i molini a vento presi per giganti, o per furore tragico d’Aiace che fe’ carneficina delle greggi credendola d’Atridi, o come l’illusione che crea ad ogni uom comune e savio l’ambiguo velo dell’antica Maya, velo benefico, al postutto e pietoso, che vela la pura realtà insopportabile, e insieme per allusione la rivela; l’essenza dico, e il suo fine il trascinare l’uomo dal brutto e triste, e doloroso e insostenibile vallone della vita, in illusori mondi, in consolazioni e oblii. Ch’ora accattavano i villani a poco prezzo, ponendo nel cappello piumato di Chinigò il loro obolo. (pp. 55-56)

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Il retablo è dunque una metafora dell’arte, della sua inadeguatezza a rappresentare il reale in maniera univoca e attendibile e al tempo stesso del suo grande fascino e potere di seduzione. In un’intervista l’autore ribadisce che “l’idea del retablo è mutuata da Cervantes, il padre del romanzo moderno. In effetti l’arte non rappresenta mai la verità; ma semmai rappresenta la verità ideologica di chi scrive” (De Martino, 1992: 40). Quella di Cervantes è, dice Consolo, “un’autocritica dell’arte come illusione… un’ironia su se stessi. L’arte come menzogna. Il Don Chisciotte è il più grande romanzo ironico, un’ironia sui poemi cavallereschi” (De Martino, 1992: 48). E altrettanto ironico è il titolo dell’ultimo capitolo di Retablo, Veritas, che è anche il nome della statua allegorica modellata sulle fattezze di Rosalia. La verità che Rosalia rivela alla fine nella lettera in cui confessa il proprio amore per Isidoro non è che una delle possibili varianti della stessa storia di seduzione. Sarà da leggere in chiave ironica la ripetizione della formula “Bella, la verità”, che ricorre con cadenza quasi ossessiva nel discorso di Rosalia. Emblematico è anche il passo, citato sopra, dove la statua raffigurante la Veritas viene descritta dalla prospettiva di Isidoro (p. 24): la verità non è altro che una figura di donna seducente e ingannatrice. La seduzione sensuale operata dalla statua rimanda a quella intellettuale esercitata dal concetto di verità: esattamente come la seduzione dei sensi, la seduzione intellettuale della verità si rivela illusoria e fasulla, e viene subito dopo relativizzata attraverso il racconto della stessa storia a partire da altri punti di vista.

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Retablo è, in ultima analisi, un romanzo sulla seduzione avvenuta e bruscamente finita (quella di Isidoro e Rosalia), sulla seduzione mancata (quella di Teresa Blasco da parte di Clerici), sulla seduzione dai risvolti tragici (quella di Rosalia da parte di fra’ Giacinto, brutalmente ucciso dall’innamorato Don Vito), o sulla seduzione spostata, deviata (la seduzione dell’arte che compensa quella irrealizzabile della carne fra don Gennaro e Rosalia). Ma soprattutto – e in questo consiste la particolarità del romanzo – la seduzione rappresentata va di pari passo con la seduzione in atto esercitata dalla scrittura, che trascina il lettore coinvolgendolo su molteplici piani di lettura. La conseguente relativizzazione della verità artistica fa parte di un processo autocritico che si rivolge non solo contro la “valanga di libri e di libresse privi d’anima, costrutto, lepóre e ragione ch’oggidì invadon biblioteche, botteghe di librai, si spargono pel mondo” (p. 30), ma contro l’arte tutta in generale, e perfino, in particolare, contro lo stesso Retablo consoliano. Così come il retablo ovvero il quadro teatrale seduce e inganna i “rozzi villici rapiti” (p. 55) che lo contemplano, altrettanto fa il romanzo Retablo in quanto prodotto artistico: la mise en abyme è allora al tempo stesso da un lato uno specchio autoriflessivo e autocritico che riflette la finzione artistica, dall’altro uno specchio che rifrange la realtà e la riproduce in modo sfaccettato e molteplice, rivelandone in tal modo l’irrimediabile inafferrabilità.

Battaglia S., Grande dizionario della lingua italiana, Torino, UTET, 1961.

Consolo V., Retablo, Palermo, Sellerio, 1987.

De Martino M., Intervista a Vincenzo Consolo, in L’opera di Vincenzo Consolo. (Dissertazione inedita presentata presso la University of Alberta), 1992, pp. 35-49.

Geerts W., L’euforia a tavola. Su Vincenzo Consolo, in Soavi sapori della cultura italiana, Atti del XIII Congresso dell’A.I.P.I., Verona/Soave, 27-29 agosto 1998, B. Van den Bossche (ed.), Firenze, Cesati, 2000, pp. 307-316.

Nabokov V., Lolita, Novels 1955-1962, New York, The Library of America, 1996.

Scuderi A., Scrittura senza fine. Le metafore malinconiche di Vincenzo Consolo, Enna, Il Lunario, 1997.

Segre C. e Ossola C. (eds), Antologia della poesia italiana. Duecento, Torino, Einaudi, 1997.

Traina G., Vincenzo Consolo, Fiesole (Firenze), Cadmo, 2001.

Notes

1  Per le successive citazioni da quest’opera si indicherà d’ora in poi solo il numero di pagina.

2  Questo passo sembra far eco alla reticenza e allusività di Francesca nel dantesco: “Quel giorno più non vi leggemmo avante” (Inferno, V, 138).

3  “In Consolo il linguaggio letterario cerca di rivaleggiare con la pittura” (Geerts, 2000: 308); “In Retablo c’è l’esplicitazione dell’esigenza della citazione iconografica: il «retablo» appartiene alla pittura ma è anche «teatro», come nell’intermezzo di Cervantes” (Traina, 2001: 130).

4  Si veda ad esempio il contributo già citato di Geerts (2000) sui sapori della cucina consoliana e i numerosi passi del romanzo dedicati ai piaceri culinari (fra l’altro, pp. 45, 51, 56-57).

5 È lo stesso Consolo a sottolinearlo: “ho scelto il nome Rosalia per S. Rosalia, ma anche per scomposizione rosa e lia” (De Martino, 1992: 48).

6 Si veda in particolare l’incipit del romanzo, a cui Consolo si è sicuramente ispirato (cf. in proposito Scuderi, 1997: 105):

Lolita, light of my life, fire of my loins. My sin, my soul. Lo-lee-ta : the tip of the tongue taking a trip of three steps down the palate to tap, at three, on the teeth. Lo. Lee. Ta.

She was Lo, plain Lo, in the morning, standing four feet ten in one sock. She was Lola in slacks. She was Dolly at school. She was Dolores on the dotted line. But in my arms she was always Lolita. (Nabokov, 1996: 7).

7  Cf. De Martino (1992: 48). Si vedano anche i diretti rimandi lessicali: “Ahi, non ho abènto” (p. 16) richiama il “per te non ajo abento notte e dia” di Cielo d’Alcamo (Segre e Ossola, 1997: 93). L’interesse per Cielo d’Alcamo è documentato inoltre nel romanzo stesso dall’episodio metaletterario dell’incontro di Clerici con l’“Accademia de’ Ciulli Ardenti” di Alcamo, dove si discute sull’opportunità di “far crescere la cima sicola da ràdica toscana o puramente far sbocciare in aura toscana la semente sicola” (p. 46).

Tatiana Bisanti, « Seduzione amorosa e seduzione artistica in Retablo di Vicenzo Consolo », Cahiers d’études italiennes, 5 | 2006, 57-68.

Référence électronique

Tatiana Bisanti, « Seduzione amorosa e seduzione artistica in Retablo di Vicenzo Consolo », Cahiers d’études italiennes [En ligne], 5 | 2006, mis en ligne le 15 mars 2008, consulté le 27 mai 2016. URL : http://cei.revues.org/813

Tatiana Bisanti

Universität des Saarlandes – Saarbrücken

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Fra differenza e identità microcosmo e ibridismo in alcuni romanzi di Luigi Meneghello [Texte intégral]

Paru dans Cahiers d’études italiennes, 7 | 2008

littérature contemporaine italienne » (Université Stendhal – Grenoble